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Fictions lesbiennes E.G.O.
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5 janvier 2020

TCHAT.com - Chapitre 10

Chapitre 10

 

Je suis épuisée. J’ai très mal et peu dormi, rajouté à tout cela j’ai un mal de tête carabiné. La journée s’annonce super.

 

J’ai la tête entre mes mains posées sur le bureau les yeux fermés lorsque j’entends :

 

-          Sacré soirée on dirait

 

Les yeux toujours fermés je repense à la veille et je n’ose me la remémorer.

 

-          Oh oui très longue soirée et toi ?

 

Lorsque je relève la tête pour voir Monica je me retrouve en face de ma chef.

 

-          Euh désolée, j’ai cru que c’était Monica, je l’attendais et…

 

Elle me fait un signe de tête pour me dire qu’elle voit ce que je voulais dire.

 

-          Je voulais vous confirmer le rendez-vous de 16h avec Mme DOLLY

 

Depuis quand elle se déplace pour me dire ça ?

 

-          Oui très bien je serai là.

 

Elle commence à partir, je me lève et l’interpelle :

 

-          Madame LEGRAND ?

 

Elle s’arrête et se retourne.

 

Allez, demande-lui si elle veut boire un café …

 

-          Savez-vous de quel type de projet il s’agit ?

 

Ses yeux se plissent car elle réfléchit un instant et me répond :

 

-          Non, Mme DOLLY n’a pas voulu m’en dire plus la dernière fois. Elle préférait garder la surprise.

-          Ah d’accord

 

On se regarde mutuellement quelques instants.

 

-          Autre chose ? me demande-t-elle

-          Non rien de plus

 

Elle tourne les talons et s’en va.

 

 

Le midi j’ai retrouvé Lucie à la cafeteria, qui s’est encore excusée mainte et mainte fois pour la soirée. Après l’avoir fait trépigner d’impatience pendant tout le repas, je lui ai offert mon yaourt en gage d’acceptation d’excuse.

 

La nourriture, il n’y a que ça de vrai pour adoucir les mœurs. Et puis j’avoue que ça me faisait bien rire de la voir essayer de s’excuser, puis de bouder parce que je ne disais rien.

 

On se dirige toutes les deux vers la machine à café pour notre carburant quotidien.

 

-          Bon, même si elle a été lourde, tu as quand même passé une bonne soirée en notre compagnie ?

-          Oui bien sûr…

-          Et le repas ?

-          Tu es un vrai cordon bleu très chère.

 

Elle passe sa main dans ses cheveux, les faisant les relever comme pour se la jouer Madame.

 

Elle insère les pièces et appuie sur le bouton.

 

-          Bon et la glace ? Tu l’as trouvé comment ?

 

La chef rentre dans la salle au moment même où je réponds :

 

-          Délicieuse, beaucoup de goût, avec ce petit côté pétillant, vraiment très intéressante, j’ai beaucoup aimé

-          Ah je suis contente qu’elle t’ait plu

-          Bien sûr et puis tu connais mes goûts

 

Elle passe à côté de moi furtivement dégageant un sombre air sévère puis après avoir pris un verre d’eau s’en va sans un mot.

 

-          Elle est bizarre non ?

-          Je ne sais pas, dis-je en haussant des épaules

 

On s’assied à la table adjacente la machine à café.

Lucie croise les jambes et se rapproche de moi en avançant son corps sur la table.

 

-          Ça en est ou vous deux ?

-          Comment ça ?

-          Ba elle ne te fait plus la tête depuis…

-          Non elle ne me fait plus la tête mais je pense que c’est plus par compassion qu’autre chose et je n’ai pas envie de lui faire pitié.

-          Tu ne lui as pas reparlé de ce quiproquo ?

-          Pour lui dire quoi de plus ?

 

Je bois une gorgée de café les yeux tournés vers l’extérieur.

 

-          J’ai essayé de lui expliquer que c’était une coïncidence, elle ne m’a pas cru et de toute façon je crois qu’elle ne voudra jamais se mettre avec une employée…

-          Ou alors tu ne lui plais pas…

 

Je tourne la tête précipitamment et ajoute :

 

-          Oui ça aussi c’est plausible

-          Même si j’en doute…regarde Mélanie elle a craqué direct

-          Ce n’est pas trop une référence, elle saute sur tout ce qui bouge…

-          Oui t’as raison mais quand même…

-          De toute façon elle a une copine

-          Et alors ? Tu es sûre de ça ?

 

Je hausse les épaules et un léger silence s’installe. J’apprécie néanmoins le fait qu’elle essaye de me redonner le moral et Lucie me demande :

 

-          Toi elle te plait ?

 

Je baisse la tête puis d’une voix plus basse j’ajoute :

 

-          Oui

 

Elle met son bras sur mes épaules et me dit :

 

-          J’ai le meilleur moyen pour te remonter le moral

-          Ah oui et c’est quoi ? A manger ?

 

Elle rigole.

 

-          Non encore mieux, j’ai comme qui dirait entendu dire qu’il y aurait THE GRANGE qui passait à l’EPHEMERE ce soir

 

J’ouvre de grands yeux car j’adore ce groupe.

 

-          Et comme je suis une très bonne, voir ta meilleure amie, je nous ai pris des places, sachant que ton anniversaire est bientôt.

 

Je l’enlace fortement et réponds :

 

-          Tu es ma meilleure amie et tu es la meilleure

-          Oui je sais que je suis la meilleure

 

Je lui fais la grimace et nous partons dans un fou rire qui me fait un bien fou.

 

**********

 

-          Madie je suis ravie de vous revoir, me dit Madame DOLLY en me serrant la main.

-          Egalement Madame

-          Appelez-moi Elisabeth, ce sera plus simple

 

Ma chef tire une chaise et la montre de la main s’adressant à Madame DOLLY :

 

-          Je vous en prie

 

Cette dernière vient prendre place, déposant son sac sur sa droite. Elle croise les jambes et posent ses mains sur son genou supérieur.

 

-          Vous nous avez épatés lors de votre prestation, me dit-elle, mes collaborateurs ont apprécié votre fraicheur et surtout votre normalité si je puis dire.

 

Je fronce des sourcils en entendant ce mot alors elle reprend :

 

-          J’entends par cela que nous avons trouvé en vous quelqu’un de simple et en cohérence avec nos idées.

 

Mon sourire s’agrandit au fur et à mesure qu’elle parle. Ça fait du bien d’entendre des compliments et de voir que le travail paye.

 

-          Vous avez une perle Madame LEGRAND

 

Et bien je n’en attendais pas temps. Je sens mes joues rougirent mais malgré cela tous ces propos me font chaud au cœur. J’ai enfin la reconnaissance du travail fourni, même si je n’étais pas seule.

 

Ma chef sourit furtivement et prend la parole.

 

-          Madame DOLLY, exposez-nous votre projet ?

 

Cette dernière se redresse, croisant ses jambes de l’autre côté puis sort de sa pochette une feuille.

Je la regarde agir et le temps d’un instant j’ai l’impression de voir ma chef mais en blonde. Elles ont le même charisme, cette prestance qui fait qu’on ne se trompe pas quand on imagine le travail qu’elles font, ce côté strict dans la tenue et elle impose le respect. Mais une chose les différencie, le sourire. Madame DOLLY en a à revendre. A croire qu’il a été gravé sur son visage contrairement à ma chef.

 

Elle nous a exposé son projet pendant environ 30 minutes. Après avoir passé le cap du BIO dans le commerce vestimentaire, ils ont eu envie de se lancer dans le cosmétique. Leur but, essayez de mêler les vêtements et les produits.

 

-          Alors qu’en pensez-vous ? me demande Mme DOLLY en me fixant fermement dans les yeux.

 

Je regarde le papier que j’ai entre les mains qu’elle nous a fourni en début de séance et il y figure l’ensemble des produits CHAMIZEL.

 

-          C’est un projet intéressant…vous souhaitez conserver le nom de CHAMIZEL pour ces produits ?

-          Oui, c’est la continuité même de notre gamme de vêtements

-          Effectivement, néanmoins, je pense qu’il faudrait ajouter une connotation supplémentaire afin de bien faire la distinction entre vos produits cosmétiques et vestimentaires.

 

Elle pose un doigt sous son menton pour réfléchir à ce que je viens de dire puis regarde ma chef.

 

Cette dernière lui répond :

 

-          Je suis d’accord avec Mademoiselle DANVERS, nous réfléchirons davantage à cela si, bien sûr nous avons votre autorisation ?

-          Bien entendu, je vous fais totalement confiance.

 

Je souris en regardant ma chef qui ne me le retourne pas, heureusement pour moi Mme DOLLY m’en gratifie d’un énorme.

 

-          Tout cela est parfait, nous souhaitons lancer notre nouvelle gamme d’ici 3 semaines, pensez-vous que cela soit possible ?

 

3 semaines c’est un peu court…

 

-          Bien sûr, tout sera prêt en temps et en heure.

 

Ok, j’imagine déjà dire au revoir à mes soirées et week-end.

 

Je pense qu’en travaillant d’arrache-pied cela devrait pouvoir se faire enfin j’espère.

 

La réunion se termine et ma chef raccompagne Mme DOLLY qui m’a fait la bise en partant. Certes, elle n’est pas bien plus vieille que moi mais sa familiarité m’a pourtant légèrement intimidé. Ma chef nous a regardé d’un mauvais œil à la suite de ça.

 

C’est pour cela que je me suis enfermée dans mon bureau car avec son humeur versatile, je préfère rester cachée plutôt que de devoir lui faire face. Autant elle m’attire, autant elle est me fait peur.

 

Pauvre de moi.

 

Et j’avais bien raison d’avoir peur car elle déboule dans mon bureau à peine 5 minutes après, fermant ou plutôt claquant la porte derrière elle. Elle reste debout les mains sur les hanches et de son regard noir me dit :

 

-          Qu’est-ce qui vous a pris tout à l’heure ?

-          Pardon ?

-          C’est la plus grosse responsable de CHAMIZEL et vous lui faites la bise.

 

Je me lève de mon siège et réponds :

 

-          Je ne lui ai rien fait du tout, c’est elle qui m’a fait la bise !

-          Peu importe, elle lance une main en l’air pour accentuer sa phrase et commence à faire les cent pas tout en marmonnant, c’est l’un de nos plus gros contrats, si par malheur nous venons à le perdre, l’entreprise tout entière sera impactée et je ne peux pas me permettre cela. La bise, non mais j’hallucine…

 

Je contourne le bureau et viens vers elle qui ne s’arrête pas de marcher.

 

-          Mais tout va bien se passer

 

Elle continue de marcher alors je décide de l’arrêter en l’attrapant par l’avant-bras. Ses yeux perçants viennent se poser sur ma main puis dans mes yeux. Si je m’écoutais je l’enlèverais comme si cette dernière avait été brûlée mais là, je ne sais pas pourquoi je la laisse à sa place.

 

-          Le projet et tout ce qui s’en suit se passeront bien. Je sais que vous tenez énormément à votre entreprise et je ne ferai rien qui puisse la nuire ou vous nuire.

 

Je fais un pas en avant, assez proche d’elle, ce qui pourrait la mettre mal à l’aise car j’ai empiété sur sa zone de confort.

 

-          Vous, je baisse les yeux puis me reprends en la regardant…ce travail compte beaucoup pour moi.

 

Elle ne répond pas.

 

Peut-être réfléchit-elle à un moyen de m’envoyer valser ?

 

En étant si proche d’elle à cet instant je peux sentir son odeur si sucrée et mon cœur s’accélère. Mon regard passe de ses yeux à ses lèvres. Je la vois les humidifier juste devant moi et je sens que je vais craquer. Elle me fait un de ces effets. Inconsciemment mon pouce fait de petites caresses sur son bras et ma main commence à descendre jusqu’à la jonction de la sienne.

 

Pourquoi elle ne bouge pas ?

 

Elle voit bien ce que je suis en train de faire et pourtant elle reste immobile. Ses yeux sont ancrés dans les miens et lorsque le bout de mes doigts touche sa paume il y a comme un déclic en moi qui me fait me reculer brutalement jusqu’à mon bureau.

 

Ce n’est pas bien ce que je fais, je ne suis pas comme ça.

 

Elle a une copine.

 

-          Madame LEGRAND ?

 

Un jeune homme, d’une vingtaine d’années, certainement un apprenti, fait irruption dans mon bureau.

 

-          Votre rendez-vous vient d’arriver. Je les installe dans votre bureau ou la salle de réunion ?

 

Elle lance sans se retourner :

 

-          La salle de réunion.

 

Il attend quelques secondes puis part rapidement.

 

Elle n’a toujours pas bougé et moi non plus. J’ai encore plus peur de sa réaction maintenant. Je n’ose plus trop la regarder. Mais qu’est-ce que j’ai fait ?

 

Elle se tourne et commence à partir lorsqu’elle s’arrête au niveau de la porte.

 

Sans se retourner elle me dit par-dessus son épaule.

 

-          On se voit plus tard pour le projet.

 

Puis elle part.

 

Ok.

 

Et je dois en conclure quoi ?

 

Elle ne m’en veut pas ?

 

 

18h30, je n’ai pas vu la journée passer. J’ai bossé, bossé et encore bossé. Dehors il fait déjà nuit. Je déteste ça, quand j’arrive le matin il fait nuit et quand je repars il fait nuit. Les journées sont longues et courtes à la fois à cause de ça. Je décide de prendre un instant pour moi, histoire de souffler. Je mets mes écouteurs et basculant ma tête en arrière je ferme les yeux pour écouter la musique.

 

3 minutes et 36 secondes précises après, je me redresse et la vois en face de moi au niveau de la porte. J’enlève précipitamment mes écouteurs et balarde le tout sur le côté de mon bureau.

 

-          Il faut qu’on parle ? me dit-elle

 

Je déteste cette phrase.

 

Elle ferme la porte derrière elle et vient s’installer en face de moi. Elle joint les mains sur mon bureau et entrecroise les doigts. Ses pouces se frottent mutuellement.

 

Je mords ma joue intérieure nerveusement.

 

J’attends le verdict. J’ai l’impression d’avoir l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête.

 

-          Pour tout à l’heure…

 

Avant qu’elle ne continue je la coupe :

 

-          Je suis désolée, je n’aurai pas dû…

-          Non

 

Je baisse la tête et elle continue :

 

-          C’est moi qui suis désolée.

 

Pardon ?!

 

-          Je me suis emportée sans motif réellement valable.

-          Ce n’est pas grave, j’aurai peut-être réagi pareil à votre place.

 

Son expression change. Elle décroise ses doigts et adopte une posture moins ferme.

 

-          J’aimerais que tout redevienne comme avant, comme si rien ne s’était passé.

 

Alors là c’est la douche froide.

 

Je ne m’attendais pas du tout à ça.

 

Elle veut oublier tout ce que l’on s’est échangé. Les soirées à parler, à rigoler, à nous raconter des anecdotes, à parler de tout et de rien…tout ça elle ne veut plus s’en souvenir.

 

J’ai l’impression d’avoir reçu une grosse claque.

 

Je ne sais pas si ça se voit sur mon visage mais je suis carrément déçue et triste.

 

-          Très bien, dis-je en avalant ma salive difficilement.

 

J’ai envie de partir du bureau, je n’arrive plus à la regarder en face. A croire que j’attire le mauvais sort sur moi. J’ai encore l’impression d’être salie.

 

-          Si vous n’avez plus besoin de moi, j’aimerais partir…rentrer chez moi.

 

Elle pince ses lèvres qui voudraient certainement dire qu’elle est désolée pour moi mais vu que c’est ELLE je ne pense pas qu’elle est la moindre compassion à cet instant.

 

-          Euh…oui bien sûr

 

Elle se lève doucement de la chaise, bien trop doucement à mon goût. Peut-être qu’elle n’a pas assez enfoncé le clou et qu’elle veut m’en remettre une couche. Pendant qu’elle fait les derniers pas en direction de la sortie de mon bureau, j’en profite pour regrouper mes affaires.

Aussitôt hors de ma vue, je prends quelques secondes pour réaliser la chose puis je commence à m’habiller lorsque je reçois un message :

 

 

Lucie

N’oublie pas, 21h00 à l’Ephémère

Ne sois pas en retard

Je veux être devant J

 

 

Mince j’avais zappé.

 

J’attrape mon sac à main et prends la direction des escaliers. J’arrive en bas en même temps que l’ascenseur ou je sens un regard appuyé sur moi. Je ne tourne pas la tête, je n’ai pas envie de voir qui c’est. Je pousse la porte de l’immeuble et m’en vais dans le noir.

 

Seul le froid à cet instant peut m’enrouler et m’apporter du réconfort.

 

**********

 

 

-          Eh bien il y a déjà pas mal de monde, dis-je en pénétrant dans la salle.

 

La salle de concert qui est un léger mélange entre salle de concert et bar. Ce qui est assez cool car ça permet de profiter des boissons avant et après le show. C’est plutôt intimiste comme salle car elle ne peut pas recevoir plus de 100 personnes et il y a de la musique en continu et de la bonne musique.

 

-          On a quand même le temps de boire un coup avant non ? me demande Lucie en déposant nos manteaux à la loge.

-          Tu ne perds pas le nord toi ?

-          Moi ? Jamais voyons

 

Je souris et nous nous dirigeons vers le bar.

 

-          Comme d’habitude ? lui demandais-je

-          Evidemment

 

Elle en profite pour me montrer sa tenue vestimentaire car ce qu’il faut savoir sur Lucie c’est qu’en fonction de ses tenues elle choisit sa boisson. Et là, en l’occurrence, comme il s’agit d’une soirée rock, sa tenue plutôt grunge incite à boire de la bière.

 

Je commande donc deux bières au barman et attends qu’il me serve. Je suis accolée au bar, face à la piste de danse et regarde Lucie papoter avec je ne sais qui encore. Elle n’est vraiment pas timide et arrive toujours à se faire des connaissances ou que l’on aille.

 

-          6 euros s’il vous plait, demande le barman.

 

Je me retourne et dépose un billet sur le comptoir. J’attends patiemment la monnaie lorsqu’un mec, déjà un peu bourré, me bouscule me collant carrément à la femme à côté de moi.

 

Et même pas une excuse de sa part.

 

Je lui jette un mauvais regard auquel il ne prête pas attention puis me retourne pour m’excuser :

 

-          Pardon, dis-je à la jeune femme blonde

 

Elle remet une de ses mèches de cheveux en place me laissant apercevoir son visage et dans un grand sourire me répond :

 

-          Il n’y a pas de mal

 

C’est bizarre mais elle me dit quelque chose. Je pense l’avoir déjà vu mais où ?

 

-          Le concert n’a pas encore commencé que les gens se bousculent déjà, ajoute-t-elle

-          Oui comme vous dites

-          On voulait se mettre devant mais je pense que l’on va rester en retrait en fin de compte, à voir en fonction du monde…

-          Vous avez raison, il ne faudrait pas finir écrasé

-          Exactement !

 

Elle a un très joli sourire, les cheveux blonds assez long, les yeux verts, son visage est fin et elle dégage quelque chose de gentil et de sympathique.

 

J’attrape les deux bières que je rapproche de moi.

 

-          J’ai l’impression que l’on s’est déjà vu, me dit-elle en plissant les yeux

-          Je me suis dit la même chose mais je n’arrive pas à savoir où.

 

Elle fait une moue de côté ce qui j’imagine être son expression faciale pour réfléchir.

 

Je fais de même et essaye de repasser en mémoire où j’aurai bien pu la croiser : un restaurant, une soirée, un concert…non le dernier que j’ai vu était l’année dernière donc ça remonte trop pour que je m’en souvienne.

 

Le boulot ?

 

Non ! Ou plutôt Oui.

 

Ne me dites pas que c’est….

 

-          Je sais, lance-t-elle grand sourire aux lèvres, vous travaillez avec ma sœur ?

 

Je hausse les sourcils car je ne vois pas du tout qui est sa sœur.

 

-          Théa, l’agence de pub ? continue-t-elle

 

Sa sœur mais moi qui croyait que…

 

-          Madame LEGRAND…dis-je doucement

-          Alexandra, ajoute-t-elle en mettant une main contre sa poitrine pour se désigner, mais oui sinon Théa enfin Madame LEGRAND c’est ma sœur. Vous travaillez ensemble je crois ?

 

Alors là j’en suis bouche bée.

 

-          Euh oui… enfin non…c’est ma directrice en fait.

-          Oui c’est pareil pour moi…tu es Madie c’est ça ?

-          Euh Oui mais comment…

-          Théa m’a parlé de toi

 

Ok super, elle raconte ce qui m’est arrivée à tout le monde. Même si ce n’est que sa sœur, quand même !

 

J’attrape mon verre et bois une gorgée.

 

-          Elle ne devrait pas tarder en plus.

 

Je manque de m’étouffer en avalant de travers.

 

-          Ça va ? me demande-t-elle en me frottant le dos

 

Et en plus elle est attentionnée, tout le contraire de sa sœur.

 

Mauvaise pioche Madie.

 

-          Oui oui…c’est passé par le mauvais trou.

 

Je toussote légèrement et entends Lucie derrière moi :

 

-          J’ai soif moi

 

Je lui tends sa bière et elle me regarde puis regarde Alexandra et plisse des yeux d’une manière qui me fait dire avant qu’elle ne dise une bêtise :

 

-          Lucie je te présente Alexandra, la sœur de Madame LEGRAND

 

Lucie qui arborait un sourire des plus mielleux pensant peut-être que cette jolie demoiselle s’intéressait à moi le laisse s’échapper comme un glaçon au soleil.

 

-          Enchantée, lui rétorque Alexandra

 

Lucie qui est la reine du camouflage reprend bien vite constance et lui répond :

 

-          De même, alors comme ça vous êtes la sœur de Madame LEGRAND, vous habitez ici aussi ?

 

Je la regarde d’un air de dire mais qu’est-ce qui te prend de lui poser cette question ? Et tu ne voudrais pas savoir où elle fait ses courses par la même occasion ?

 

Ne faisant pas acte de mes yeux réprobateurs, elle fixe Alexandra qui en souriant lui répond :

 

-          Non je ne suis pas d’ici. Je suis venue passer quelques jours chez Théa et ça tombait bien car THE GRANGE passait et c’était l’occasion de venir les voir en vrai. Ma sœur adore ce groupe.

-          C’est vrai ? Madie aussi les adore.

 

Mais qu’est-ce qu’elle fait ?

 

Alexandra me regarde comme pour voir si c’est vrai.

 

-          Oui, je les suis depuis un moment sur les réseaux sociaux et je n’avais encore jamais eu l’occasion de les voir en live. Lucie m’a fait un super cadeau pour mon anniversaire.

-          C’est ton anniversaire ? me demande Alexandra

-          Lundi, c’est un cadeau en avance.

 

Je vois Alexandra jeter un coup d’œil par-dessus mon épaule et lever le bras pour faire signe à quelqu’un.

 

Je me camoufle contre le bar espérant passer inaperçue. En même temps, elle ne va peut-être pas me reconnaitre vu que j’ai également changé ma tenue vestimentaire, troquant mes habits stricts du boulot pour une tenue beaucoup plus cool. Donc avec mon jean moulant noir, mon haut à manches longues bleu nuit et mes bottines noires, le tout avec mes cheveux détachés et mon maquillage, je pense qu’elle ne me reconnaitra pas. Au travail, je ne me maquille jamais, je n’ai pas le temps le matin, je préfère dormir un peu plus. Je me dis que je peux passer inaperçu…

 

Je suis donc plaquée au bar, dos face à la scène.

 

Je comprends qu’ELLE est là car je les devine se prendre dans les bras l’une de l’autre et elle lui dit :

 

-          Excuse-moi pour le retard, j’ai eu un mal fou à trouver une place.

-          Aucun problème, j’étais en très bonne compagnie avec Lucie et Madie

 

A l’annonce de mon prénom je me retourne un peu et là vois perplexe en regardant aussi bien Lucie que moi-même.

 

Lucie égale à elle-même lui lance un :

 

-          Madame

 

Comme pour lui dire bonjour. Je crois qu’elle la vue aujourd’hui mais dans le doute elle a préféré la saluer de nouveau. Pour ma part un signe en levant ma bière suffit amplement. Je n’ai pas envie de faire plus.

 

-          Je te commande à boire ? demande Alexandra à sa sœur

-          Une bière s’il te plait

-          Bien Madame

 

J’imagine qu’elle doit lui faire des gros yeux car Alexandra rigole gaiment et ajoute :

 

-          Ah ça va, détends-toi Madame la directrice.

 

Lucie se penche vers moi discrètement et me chuchote au creux de l’oreille :

 

-          On fait quoi ?

 

Je hausse des épaules et lui réponds :

 

-          On boit un coup

-          Ok

 

Ni une ni deux elle apporte la bouteille à sa bouche et commence à avaler plusieurs gorgées consécutives. A la voir faire cela me fait rire.

 

-          Ah ça fait du bien, dit-elle en s’essuyant les lèvres du revers de sa main.

 

Je bois également une gorgée et me retourne pour regarder les gens sur la piste. J’aime regarder les gens danser, je trouve qu’ils laissent transparaitre un peu d’eux dans leur déhancher. On peut faire la différence entre quelqu’un de super à l’aise qui va balancer dans tous les sens avec ou sans rythme, ou alors quelqu’un de plutôt timide qui va rester sur place.

 

-          Alors Madie, tu aimes danser ? me demande Alexandra en tendant la bière à sa sœur.

-          Oui beaucoup et toi ?

-          Moi un peu, je n’ai pas trop le rythme en fait mais Théa est bonne danseuse.

 

Elle ne fait pas attention au regard meurtrier qui lui arrive dessus. Quant à moi je fais un léger sourire tout en portant le verre à ma bouche. Je sens que je vais finir cette bière bien plus vite que prévu.

 

-          Je te laisse deux minutes, je vais au petit coin, me dit Lucie doucement.

-          Ok

 

Après avoir déposé sa bouteille vide sur le bar elle part en trottinant vers les toilettes.

 

J’en profite pour regarder l’heure et je me dis qu’il reste encore 15 minutes minimum avant que le concert commence.

 

J’entends les deux frangines parler entre elles et ELLE est assez différente de ce qu’elle dégage au travail.

 

-          Elle t’intimide ?

 

Pardon ?

 

Je vois qu’Alexandra est seule, je regarde où se trouve sa sœur mais je ne la vois pas, elle me fixe et attend une réponse de ma part.

 

-          Madame LEGRAND ? Ce n’est pas le mot, disons… qu’elle impose le respect.

 

Elle hoche de la tête et ajoute :

 

-          Tu sais, elle est comme une huitre, elle se forge une barrière à cause du boulot mais quand tu arrives à l’ouvrir et bien c’est une perle…et je ne dis pas ça parce que c’est ma sœur…

 

Je rigole à la métaphore et lui réponds :

 

-          Encore faut-il réussir à l’ouvrir…

 

Alexandra va pour répondre quelque chose mais je la coupe :

 

-          Non pas elle !

 

Je détourne le regard le temps d’un instant, voyant Alexandra me regarder en se demandant ce qu’il m’arrive.

 

-          Hey ma belle, toi ici ?

 

Je lève la tête et essayant d’avoir un minimum de savoir-vivre réponds :

 

-          Mélanie, salut, ça va ?

 

Elle me fait la bise ainsi qu’à Alexandra la regardant de haut en bas, ce qui fait sourire cette dernière en levant les sourcils.

 

-          Ça va super d’autant plus que tu es là. Je ne savais pas que tu aimais ce genre de musique…

 

Comment pourrait-elle savoir vu que l’on ne se connaît pas ?!

 

-          Alors quoi de beau depuis la dernière soirée ? Tu as pensé un peu à moi ?

 

J’entends Alexandra pouffer de rire à côté de moi en essayant de se cacher en buvant un coup puis en passant sa main dans ses cheveux.

 

Ma seule réponse qui me vient est :

 

-          Euh…

-          Je plaisante t’inquiète…à moitié, elle ajoute à ça un clin d’œil

 

Je manque de faire rouler mes yeux mais me retiens.

 

-          Tu m’excuses un instant, lui dis-je.

 

Je contourne Alexandra en lui adressant un sourire compatissant et pars vite fait retrouver Lucie aux toilettes que j’attrape aux voles lorsqu’elle sort de la pièce, la repoussant immédiatement dedans.

 

-          Hey, mais qu’est-ce que tu fais ?

-          Dis-moi que ce n’est pas toi ?

 

Je lâche son bras et vais vers le fond de la pièce.

 

-          Pas moi quoi ? Je ne comprends rien.

-          Mélanie ?

-          Eh bien quoi Mélanie ?

-          Elle est là.

 

Elle ouvre la bouche telle une carpe.

 

-          C’est toi qui lui as dit de venir ? Je m’approche d’elle en plaçant un doigt devant elle

-          Moi ?...non non, ce n’est pas moi je te jure

 

Je marche dans la pièce et dis :

 

-          Comme si la journée n’avait pas été assez pourrie

-          Comment ça ?

-          Non rien

 

Je monte mes deux mains au visage et le frotte comme pour me remettre les idées en place.

 

Elle s’adosse au lavabo et croise les bras.

 

-          Tu lui as parlé ?

-          A Mélanie, bien sûr vu que…

-          Non pas elle, à tu sais qui…elle fait un signe de tête en me montrant la salle.

 

Ah ELLE !

 

-          J’ai essayé mais…

-          Mais quoi ?

-          Mais je ne l’intéresse pas donc je laisse tomber, dis-je plus fort.

-          Elle t’a dit quoi exactement ?

 

Je repense à ses paroles et récite :

 

-          Que tout redevienne comme avant, que ça ne se soit jamais passé.

-          Ah !

 

Oui ah ou oh enfin toutes les interjections que tu veux, le résultat sera le même.

 

-          Et tu ne veux pas réessayer ?

-          Pour lui dire quoi ? Qu’elle me plait, qu’elle me plaisait même avant que je ne sache qui elle était. Que je pense à elle tout le temps. Elle ne voudra jamais m’écouter. J’ai essayé mais…elle m’a jeté et quand j’ai retenté elle m’a encore jeté. J’en ai marre de me prendre des murs. Elle veut oublier ce que l’on a partagé alors je vais respecter son choix, de toute façon je ne suis rien à ses yeux à part une employée.

-          Tu es méchante envers toi

-          C’est simplement la vérité.

 

Elle vient se mettre à côté de moi et me frotte le dos.

 

-          Et pour Mélanie on fait quoi ?

 

J’ai failli l’oublier celle-là.

 

-          Et bien on fait avec…

 

Lucie commence à faire demi-tour et me fait un signe de tête pour que je la suive mais comprend que j’ai besoin d’une minute pour moi. La musique de la salle résonne dans les toilettes quand elle ouvre la porte. Je vois que les lumières ont baissé signe que le concert ne va pas tarder à commencer.

 

Je pose mes mains de chaque côté du lavabo et baisse la tête. Lorsque je me redresse pour voir mon reflet dans le miroir, je l’aperçois dans l’embrasure d’une des portes des toilettes.

 

Et merde !

 

Mon cœur s’emballe et rapidement je pars de la pièce sans un regard en arrière.

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